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  • Photo du rédacteurAnnie Vidal

Mon vote sur l'article 1 du projet de loi relatif à la bioéthique



Les députés ont voté aujourd’hui l’article 1 du projet de loi relatif à la bioéthique, qui élargit l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, supprime le critère d’infertilité, maintient le remboursement par l’assurance maladie et permet le recours à un double don de gamètes.


Les lois de bioéthique nous amènent à fixer les limites de ce que nous sommes prêts à accepter en fonction des possibilités qui nous sont offertes grâce aux évolutions des techniques médicales. Il s’agit donc de positionner un curseur entre le possible et le raisonnable. Comme femme, cela touche à mes convictions les plus profondes et, comme législateur cela impose que mon positionnement soit étayé très sérieusement à la lumière de l’expertise des professionnels, d’écoute et de respect.


Dans le cadre de la mission d’information conduite en 2018 à l’Assemblée nationale ou en suivant les travaux de la commission spéciale constituée pour l’analyse du projet de loi de révision bioéthique, j’ai entendu de nombreuses associations, des professionnels de santé, des scientifiques, des juristes, des psychologues, des philosophes, des autorités religieuses, des familles, etc. C’est au fil de ces nombreuses auditions que j’ai forgé le positionnement qui est le mien aujourd’hui et que je me propose de vous expliquer.


Dans toutes les situations, je me suis attachée à rechercher l’intérêt supérieur de l’enfant et à prendre en considération les évolutions de la société. Aujourd’hui, force est de constater la diversité des familles : famille traditionnelle, famille recomposée, famille homoparentale, famille monoparentale.


L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules correspond à deux situations différentes, qu’il aurait fallu aborder de manière différenciée.


Pour les couples de femmes, la demande de PMA est l’expression d’un désir commun de faire famille et d’accueillir un enfant, de lui offrir l’amour dont il a besoin pour grandir et se construire. Le texte de loi prévoit un engagement commun des deux femmes au regard de ce projet de parentalité et une responsabilité commune vis-à-vis de l’enfant à venir. Aujourd’hui, les couples de femmes, mais seulement celles qui disposent de moyens financiers suffisants, peuvent aller à l’étranger pour avoir accès à la PMA. Mais les enfants conçus dans ces conditions sont mal protégés. En effet, l’enfant doit être adopté par la seconde mère, celle qui n’a pas accouché, à condition que le couple soit marié. Les délais sont longs et pendant ce temps, l’enfant peut se trouver dans une situation difficile, par exemple en cas de décès de la mère ou si les deux mères se séparent. Dans ce cas, l’intérêt de l’enfant peut être menacé. Par ailleurs, rien ne permet de dire aujourd’hui que ces enfants rencontrent plus de difficultés que les autres. J’ai donc considéré que l’accès à la PMA pour les femmes en couple était envisageable dans le cadre fixé par la loi, dans la mesure où l’intérêt de l’enfant sera renforcé, en particulier grâce à l’évolution de l’établissement du mode de filiation pour les enfants conçus par PMA avec donneur.


Si je me suis résolue à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, j’émets toujours des réserves quant à l’accès à la PMA pour les femmes seules (célibataires, divorcées, veuves). En effet, malgré de nombreuses lectures, auditions, rencontres et une réflexion approfondie, je n’ai pas réussi à lever mes doutes quant à la PMA pour les femmes seules.


Leur désir d’enfant est tout aussi compréhensible que celui des couples, et j’entends la souffrance des femmes qui, faute d’avoir rencontré celui ou celle avec qui elle pourrait constituer un couple, n’ont pas d’enfant. Toutefois pour l’enfant, la notion d’altérité est essentielle. L’enfant qui naîtra n’aura qu’un parent, qu’une lignée familiale, celle de sa mère, car il ne peut y avoir de lien de filiation avec le donneur. Je pense que priver un enfant d’une double filiation constitue une rupture d’égalité.


Même si chacun sait que les femmes seules ont de tout temps conçu des enfants quand elles le souhaitaient, c’est en responsabilité qu’elles le font. Permettre l’accès à la PMA aux femmes seules, c’est engager la responsabilité de l’Etat dans la constitution de famille monoparentale, et je n’y suis pas favorable.


En outre, lors des auditions, des professionnels m’ont alerté sur le risque de surinvestissement et de surprotection de la mère qui élèverait seule son enfant, le rendant ainsi « prisonnier » d’une relation duale.


Pour toutes ces raisons, et parce que l’intérêt supérieur de l’enfant peut être menacé, je ne suis pas favorable à l’extension du droit à la PMA pour les femmes seules.


La révision régulière des lois de bioéthique nous amène à penser la société de demain à la lumière des évolutions et des connaissances d’aujourd’hui. Dans ce domaine plus que dans n’importe quel autre, il n’existe pas de vérité absolue. Personne ne peut alors se prévaloir de détenir une vérité indiscutable. C’est donc avec une intime conviction forgée sur la réflexion, l’écoute et la bienveillance que je me suis abstenue sur le vote de cet article de la loi de bioéthique.

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